Martin Fuchs n’est âgé que de 27 ans, mais cela ne l’empêche pas de figurer parmi les meilleurs cavaliers au monde. Numéro 2 mondial, champion d’Europe en titre, le Suisse ne cesse d’enchaîner les performances et vient notamment de remporter le Grand Prix du CHI de Genève. Il y a son talent bien sûr, que les connaisseurs avaient remarqué dès son plus jeune âge, mais c’est aussi une gestion optimale de sa carrière et de celle de ses chevaux qui fait aujourd’hui du jeune homme un compétiteur hors pair. Martin Fuchs est prêt à marquer l’Histoire de son sport.
Le cavalier helvétique a accueilli Equi-Book dans ses installations de Wängi, à 50 km de Zurich. Martin Fuchs nous a parlé de son incroyable saison 2019 et de ses objectifs pour 2020, avec les Jeux Olympiques de Tokyo en ligne de mire.



Martin, le moins que l’on puisse dire, c’est que chez vous, l’équitation est une vraie tradition familiale…

Oui, effectivement. Mon père, Thomas Fuchs, a monté à haut niveau, participant aux plus importants championnats du monde (ndlr : Thomas Fuchs a décroché 6 médailles par équipe aux championnats d’Europe, une de bronze par équipe aux championnats du monde et était 7 e en individuel aux JO de 1988). Ma mère, quant à elle, a aussi monté en international et a été sacrée championne de Suisse élite en 1990. J’ai bien sûr toujours suivi avec beaucoup d’admiration les succès de mon oncle, Markus. Il arrive encore régulièrement que les gens m’appellent Markus, par habitude, mais j’espère que désormais, je suis parvenu à me faire un prénom ! A cette sphère familiale qui m’a sans aucun doute poussé à être ce que je suis aujourd’hui, s’ajoute également mon parrain, Willi Melliger.


On vous a d’ailleurs vu très ému lorsque vous êtes monté sur le podium à Rotterdam…

Oui, à ce moment précis, j’ai eu une pensée pour mon grand-père, Matthias. C’est grâce à lui que j’en suis là aujourd’hui. Il avait à l’époque ouvert un centre équestre. Toute la famille lui doit beaucoup ! Il a fait énormément pour moi quand j’étais enfant.


Y a-t-il une méthode Fuchs ?

Je ne sais pas… Ce qui est certain, c’est que mon père a appris énormément lorsqu’il est devenu entraîneur pour les chevaux de courses. Il a appris auprès des meilleurs entraîneurs français et ce qu’il a notamment remarqué, c’est à quel point il est essentiel que le cheval soit au plus proche de la nature. Nous tenons à ce que nos chevaux puissent rester des chevaux. Les notres sortent beaucoup, vont au parcs sans protection… Une vie très nature.

Depuis quand êtes-vous basé à Wängi ?

Je me suis installé ici en mars 2016. Mon père a racheté une partie des installations de son cousin, Aloïs Fuchs. Dans les anciennes écuries, 25 boxes sont notamment destinés à des pensionnaires et à des élèves, et j’ai fait construire un nouveau bâtiment où se trouvent mes chevaux.


Combien de chevaux montez-vous ?

Il y en a 14 dans mes écuries, et je les monte avec mon cavalier, Matias Alvaro, un jeune Italien. Il y a des jeunes chevaux, des chevaux de commerce et des chevaux de propriétaires. Nous avons des arrangements différents avec chaque propriétaire, car chacun d’entre eux a ses objectifs : certains me confient un cheval dans le but de le vendre à court ou moyen terme tandis que d’autres veulent les garder.


Jusqu’en 2016, vous étiez installé chez vos parents, à Bietenholz…

Effectivement, c’est là que j’ai grandi et appris le métier. Maintenant, mes parents ont vendu leur manège et sont venus s’installer plus près d’ici et ils m’aident à gérer mes écuries. Mon père monte mes chevaux et il m’entraîne toujours. Ma mère s’occupe de toute l’administration. J’ai beaucoup de chance de les avoir à mes côtés. Ils jouent un rôle extrêmement important dans ma réussite. C’est une chance inouïe, lorsque je suis en concours, de n’avoir pas à me soucier à ce qui se passe à la maison, de savoir que tout est parfaitement sous contrôle. Je peux vraiment me focaliser à 100% sur mon concours.

Il y a la famille, mais il y a aussi des propriétaires fidèles, à l’image de Luigi Baleri, le propriétaire de Clooney, notamment…

Oui, c’est une chance inouïe. Luigi fait vraiment partie de la famille, j’aime dire que je le vois à la fois comme un ami et un deuxième père. J’avais 13 ans lorsque notre partenariat a commencé. Il m’a d’abord confié Riot Gun, qui m’a offert de nombreux classements internationaux, puis m’a toujours mis à disposition des chevaux, aussi bien dans une optique commerciale que pour me permettre de me hisser au plus haut niveau. Il est le propriétaire de Clooney, mais aussi de The Sinner et de Chaplin, entre autres. Il m’accompagne très souvent en concours pour me soutenir. Luigi me fait entièrement confiance, sans jamais me mettre de pression. C’est plutôt moi qui m’en mets !


Parlez-nous de votre histoire avec Clooney…

Je le monte depuis ses 7 ans. Les débuts n’ont pas été toujours faciles, notamment lorsque j’ai manqué la victoire dans le Grand Prix d’Aix-La-Chapelle car il s’est arrêté dans le tournant avant le dernier obstacle. Mais j’ai toujours cru en lui et à force de travail, il est devenu l’un des meilleurs du monde. C’est un génie quand on voit tous les succès qu’il a accumulé ces dernières saisons ! Il sait qu’il est spécial. Il veut avoir le plus d’attention que les autres à l’écurie. Tout le monde l’adore.


Vous êtes n°2 mondial, champion d’Europe, cité en exemple par vos pairs… Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

J’ai vécu une superbe saison. Je suis très content, en particulier du fait que je sois parvenu à avoir beaucoup de succès avec plusieurs chevaux différents. Il y a évidemment eu de grands moments avec Clooney, mais aussi avec Chaplin, The Sinner, Silver Shine, Chica ou encore Tam Tam du Vallon. Je suis très content d’avoir un tel piquet de chevaux, ce qui me permet d’être bien classé au top 10 mondial… Et pas loin de la place de n°1 !


Un n°1 mondial qui est lui aussi entrainé par votre père…

Oui. C’est génial que nous soyons deux cavaliers suisses au sommet de la hiérarchie mondiale. Je pense que c’est également un atout pour les sports équestres dans notre pays, même si les médias suisses n’en parlent pas franchement plus pour autant.


Quelle relation entretenez-vous avec Steve Guerdat ?

Il a toujours été un modèle pour moi, et a énormément fait pour notre sport. D’un point de vue personnel, il est toujours là pour m’aider si j’en éprouve le besoin. Et je vous promets que lorsque vous vous élancez en 3e position lors d’une Coupe des Nations ou d’un championnat, c’est agréable de savoir que c’est Steve Guerdat qui va s’élancer après vous. Difficile d’imaginer plus rassurant.


On dit du CHI de Genève, qu’il s’agit du « jardin » de Steve Guerdat, maintenant que vous venez d’y remporter le Grand Prix, est-ce que cela change quelque chose ?

Comme je n’ai plus mon jardin à Zürich (le CSI de Zurich a vécu sa dernière édition en janvier 2019), Steve doit partager le sien !


Parlez-nous de cette victoire dans le Grand Prix du CHI de Genève.

C’est ma première victoire dans le Rolex Grand Slam, qui réunit les 4 meilleurs concours du monde. Tout le monde veut gagner ces épreuves et c’est toujours une longue route pour gagner un tel Grand Prix. Cette année, j’avais vraiment mis le focus sur cette épreuve. J’avais fait deux petits tours auparavant pour donner confiance à Clooney. Et il a été phénoménal ! Il a 13 ans et on a grandi ensemble. 


Vous allez peut-être bien devenir n°1 mondial en janvier…

Peut-être et cette place de n°1 est un objectif. Mais si ce n’est pas ce mois, ce sera peut-être le suivant ou même une autre année. Mais je pense que cela viendra. Je suis vraiment reconnaissant de mon piquet de chevaux qui me permet de vivre de tels moments.

Peut-on dire que vous avez actuellement l’une des plus belles écuries du monde ?

Oui, je le pense. J’ai vraiment des chevaux incroyables. La dernière bonne nouvelle en date, c’est que Chaplin a repris le travail normal, il va recommencer à sauter en janvier. Quand il reviendra au top, je me réjouis de pouvoir compter à nouveau sur ce cheval
d’exception.


Allez-vous, comme début 2019, repartir en janvier prochain à Wellington ?

Oui, je vais de nouveau passer plusieurs mois là-bas. Je reviendrai de temps en temps en Suisse pour monter les chevaux qui restent ici. Je ne pars qu’avec 4 chevaux à Wellington l’hiver prochain. Clooney, par exemple, va rester à la maison pour profiter d’une pause bien méritée. Quant à Silver Shine et the Sinner, ce sera une belle opportunité pour eux de prendre du métier, de sauter sur l’herbe et à l’extérieur. Une excellente préparation pour le circuit des Coupes des Nations.


En 2020, votre seul objectif, c’est de passer à votre cou la médaille d’or olympique ?

Oui, avec Clooney, c’est vraiment le but avoué de ma saison. Mais comme j’ai la chance d’avoir plusieurs bons chevaux dans mes écuries, je peux aussi me permettre d’avoir d’autres objectifs pour le reste de l’année.


Après vos résultats de cette année, vous figurez parmi les favoris pour les JO. Est-ce une pression supplémentaire sur vos épaules ?

Pour être honnête, je ne pense pas vraiment à cela. Cela me donne plutôt confiance, car c’est agréable de se dire que les gens pensent que vous pouvez gagner. Mieux vaut cela plutôt qu’ils estiment que vous êtes loin du compte, non ?


Votre compagne, Paris Sellon, une cavalière américaine qui monte au niveau 5*, est désormais basée en Suisse…

Oui, mais elle n’a pas ses chevaux à Wängi. Ils sont chez Steve Guerdat, à Elgg. Ce n’est pas loin d’ici. Il y a plus de place pour les chevaux, un grand manège et de belles carrières. Elle monte aussi à haut niveau, et c’est génial de pouvoir partager cette vie avec elle. Je monte un peu ses chevaux de temps en temps et on s’aide mutuellement en concours.


Qu’est-ce que cette relation de couple vous apporte, en particulier sur le plan sportif ?

Paris m’a appris à penser un peu plus à moi, à autre chose qu’aux compétitions. Elle m’aide à n’être pas focalisé uniquement sur les chevaux, sur mon équitation et mon planning de concours. On va souvent se promener. Tout à l’heure, nous allons d’ailleurs faire un petit tour en amoureux au marché de Noël de Winterthur !


Cela vous permet-il d’être encore meilleur en piste ?

Oui, sans aucun doute. Je suis plus relax et je pense que cela va me permettre de faire ce sport plus longtemps. Car si vous ne faites rien d’autre, vous pouvez rapidement être usé par cette vie.

Le palmarès de Martin Fuchs en un coup d’œil

  • Champion d’Europe individuel en 2019 avec Clooney
  • 2 e de la finale de la Coupe du monde 2019 à Göteborg avec Clooney
  • Vice champion du monde en 2018 avec Clooney
  • Champion Suisse élite en 2014 et 2016
  • 9 médailles aux Championnats d’Europe Children, juniors et Jeunes cavalier, dont une en
  • or en individuel en 2012 chez les Jeunes Cavalier avec Principal.
  • 1 médaille d’or par équipe aux Jeux Olympiques de la jeunesse en 2010.