Agée de 20 ans seulement, Zoé Conter a déjà foulé quelques-unes des plus belles pistes du monde, décroché de nombreuses médailles avec la relève (Médaille d’Or par équipe avec les Children en 2012, l’or par équipe et bronze individuel chez les juniors en 2016 et l’argent avec les Jeunes cavaliers en 2017 à Samorin) et monte désormais des Grands Prix Coupe du monde. Si on la connaît comme la fille de Stephan Conter, la jeune femme est parvenue à se faire un prénom dans les sports équestres, et elle ne compte pas s’arrêter là. L’accident subi lors du CSIO de Rome n’a pas empêché Zoé Conter de revenir encore plus forte. Rencontre avec cette étudiante en Business passionnée et déterminée.

Vous avez été mise à poney à trois ans. Tous vos souvenirs sont donc liés aux chevaux?

Effectivement. Mes parents étaient déjà dans le milieu, puisque tous les deux étaient cavaliers. Ma mère avait 18 ans lorsqu’elle a rencontré mon père et ils ont ensuite commencé leur business. Mes grands-parents paternels n’étaient pas spécialement impliqués dans le business du cheval mais bien dans le monde du sport equestre. Mon père, lui, a toujours été un passionné et impliqué. Une vraie affaire de famille ! Mon père a commencé par quelques concours et un peu de commerce et tout a pris beaucoup d’ampleur. Pour ma part, j’ai toujours été entourée par des chevaux, c’est donc très naturellement que j’ai été attirée par ce sport.

Comment s’organise votre quotidien ?

J’ai tenu à poursuivre mes études en parallèle de mon activité équestre. J’étudie actuellement le business dans une université privée d’Anvers. C’est une école qui se déroule sur trois ans, mais pour que je puisse continuer de participer à des concours, on m’a fait un programme sur mesure : mon cursus dure quatre ans, mais je peux m’absenter toutes les fins de semaines. Je suis en cours le matin et je monte à cheval l’après-midi, ou inversement, et dès le jeudi je prends la direction des concours.

Etre la fille de Stephan Conter, est-ce un avantage ou une pression ?

Il y a sans doute un peu des deux. Je peux évidemment profiter des opportunités que m’offre mon père, puisqu’il connaît beaucoup de monde dans cet univers. Mais parfois les gens me mettent beaucoup de pression, ils ont énormément d’attentes car je suis la fille de Stephan Conter. J’essaie de faire abstraction de ce que les gens pensent et de me concentrer sur mes chevaux. Je suis très reconnaissante de toutes les opportunités qui s’offrent à moi grâce à mon père.

S’entraîner aux côtés de cavaliers comme Daniel Deusser et Lorenzo De Luca, qu’est-ce que cela vous apporte ?

Ma sœur Emilie et moi avons notre propre entraîneur, Farid Ladjouan. Il travaille depuis longtemps avec nous. C’est notre entraîneur au quotidien. C’est difficile de travailler avec Daniel ou Lorenzo, car ils sont eux-mêmes très occupés. Mais c’est sûr qu’en début de semaine, si j’ai besoin d’un conseil, ils m’aident toujours. J’aime bien leur demander leur avis.

Maintenant que vous participez à des concours 5*, vous êtes parfois sur les mêmes places de concours qu’eux. Vous profitez de leur expérience ?

Tout à fait. Ils ont énormément d’expérience à ce niveau alors que moi je débute, donc cela m’apporte beaucoup de reconnaître des parcours avec eux.

Et qu’en est-il des chevaux ? Chacun des cavaliers Stephex a-t-il des chevaux attitrés, ou est-ce qu’il y a un tournus ?

Chacun a son piquet de chevaux, mais si un cheval convient moins à un cavalier, il arrive que l’on fasse des adaptations, car nous sommes avant tout une écurie de commerce et le but est que le cheval progresse. C’est le plus important.

Vous avez amené  Irenice Horta jusqu’en 5 * avant de la vendre à Cian O’Connor. Parlez-nous de votre histoire avec cette jument.

Je l’ai eue quand elle avait 7 ans et ce n’était pas facile au début, car j’étais jeune également. Elle m’a beaucoup appris, et moi aussi : on a évolué ensemble. C’est vraiment une belle histoire. Grâce à elle, j’ai pu participer à mes premiers 5* et à mes premiers Grands Prix. Evidemment, cela m’a fait mal au cœur de la voir partir, mais je suis contente qu’elle soit chez Cian, car il lui donne la chance qu’elle mérite. Il saute les plus beaux 5* du monde. Je pense que l’on va encore beaucoup entendre parler de cette jument.

Accepter de vendre sa meilleure monture, cela fait partie du métier ?

Cela fait mal au cœur de voir partir les meilleurs chevaux, mais le commerce est prioritaire. C’est ce que notre père nous a toujours appris, à ma sœur et à moi. Nous sommes aussi impliquées dans l’entreprise familiale et c’est important que nous apprenions ces aspects-là.

Dans l’avenir, vous vous voyez plutôt cavalière ou femme d’affaire ?

J’espère pouvoir combiner les deux. Une fois que mes études seront terminées, j’aimerais continuer de monter à ce niveau et travailler dans le business avec mon père. Je suis consciente que ce sera difficile et que cela demandera des sacrifices.

Vous avez eu un accident l’an passé et vous êtes fracturée plusieurs vertèbres cervicales. Comment vous en êtes-vous remise ? Cela a-t-il eu un impact sur votre façon de voir le sport, ou la vie en général ?

Je me suis bien remise, j’ai eu de très bons médecins. C’était une période difficile à vivre, et c’est certain qu’un événement comme celui-ci change la manière d’aborder le sport. On se rend compte des choses importantes de la vie. Aujourd’hui, je suis extrêmement heureuse de pouvoir à nouveau faire ce que j’aime le plus, monter à cheval.

Vous avez réalisé un double sans-faute dans la Coupe des Nations de Lisbonne début juin avec Univers. Parlez-nous de ce cheval et de votre piquet actuel.

C’était ma première Coupe des nations senior, et Univers a été vraiment incroyable. J’ai la chance d’avoir trois chevaux de tête : il y a Univers du Vinnebus, Dolitaire Chavannaise et Davidoff de Lassus. Davidoff est arrivé en début d’année et nous nous sommes rapidement entendus. Il me donne beaucoup de confiance et je pense pouvoir participer à de gros concours avec lui. J’ai encore deux 8 ans très prometteurs : La Belle Dame Z (par Grande Dame Z et Levisto Z), qui était 2e de son premier GP 2* en début d’année à St-Tropez et La Una (par Chacco-Blue). Je suis en train de les construire pour le haut niveau. J’aime prendre le temps pour connaître mes chevaux et faire la paire avec eux. J’ai encore une 6 ans, Izzy, avec laquelle j’espère faire le championnat du monde des jeunes chevaux à Lanaken et Umour Noir de Crann, le cheval avec lequel j’ai fait ma chute l’an passé, mais qui est mon cheval de cœur. Je le garde plutôt pour faire les 2 ou 3 *. Je les monterai tous à Knokke.

Vous aimez particulièrement former des chevaux pour les amener à haut niveau ?

Oui, c’est vraiment ma vision du sport. C’est ce que j’aime avec les chevaux. Quand vous recevez un jeune cheval et que vous l’amenez au niveau 5*, c’est la plus belle des satisfaction. Il est évident que si mon père décide de me confier un jeune cheval, c’est qu’il y croit beaucoup. Cela me pousse à travailler énormément pour y arriver.

Vous avez remporté plusieurs médailles lors des championnats d’Europe de la relève. Cela facilite le passage dans des 5* et des Coupes des nations senior ?  

Cela aide énormément. On apprend à monter une Coupe des nations, on représente notre pays, c’est vraiment très enrichissant. Cette année sera ma dernière année avec les jeunes cavaliers et j’espère décrocher encore des médailles !

Vous avez passé l’hiver à Wellington. Pour quelles raisons ?

Après ma longue pause forcée à cause de ma chute, ces 12 semaines de compétition à Wellington en début d’année ont été très bénéfiques. Cela m’a remis en selle et m’a redonné confiance. Mon père nous envoie chaque année avec quelques cavaliers là-bas. Il y a évidemment une dimension commerciale à cela, car nous prenons avec nous des chevaux dont il sait qu’ils pourraient y être vendus. Personnellement, cela m’a permis de faire beaucoup de parcours différents, avec de nombreux chevaux. En y sautant toutes les semaines, c’est vraiment un bon apprentissage. J’ai profité aussi des conseils de Missy Clark et de John Brenan, qui nous ont entraînées, ma sœur et moi. Nous y apprenons beaucoup, et lorsque nous revenons en Europe, nous sommes extrêmement motivées.

Comment une jeune cavalière promise à un brillant avenir voit-elle le sport de haut niveau d’aujourd’hui ?

J’adore notre sport comme il est. Je trouve seulement dommage de changer le format des Jeux olympiques et des Jeux mondiaux : la tournante était une épreuve magnifique à regarder. On pouvait vraiment voir les cavaliers d’exception.

Votre rêve ?

Monter les Jeux Olympiques… C’est mon objectif et je travaillerai dur pour l’atteindre. Lorsqu’on gagne une médaille, c’est pour la vie et c’est plus important qu’une victoire dans n’importe quel Grand Prix.